En mars 2011, Hong Kong a trouvé son nouveau point culminant avec l’inauguration du somptueux hôtel Ritz-Carlton à Kowloon West. Entrant en concurrence avec les autres prestigieux établissements de la ville comme le Four Seasons ou le Shangri-La, le Ritz-Carlton a mis le paquet pour se doter d’un restaurant de cuisine cantonaise à la hauteur de ses ambitions. Pour diriger les cuisines du Tin Lung Heen 天龍軒, le groupe américain est allé débaucher l’expérimenté et talentueux Chef Paul Lau Ping Lui précédemment aux manettes du restaurant Spring Moon au Peninsula. En seulement deux ans, le Tin Lung Heen 天龍軒 est ainsi devenu l’un des meilleurs restaurants de Hong Kong arborant dès 2013 deux étoiles au Guide Michelin.
Premières Impressions :
Le Ritz-Carlton a pris ses quartiers entre le 102ème et le 118ème étage du International Commerce Center. Depuis le lobby de l’hôtel, on accède directement aux deux principaux espaces de restauration. Le Tin Lung Heen 天龍軒 bien sûr mais aussi le Tosca spécialisé dans la cuisine italienne. Avec un personnel omniprésent et tiré à quatre épingles, l’accueil est clairement digne d’un cinq étoiles. Même si l’endroit est éblouissant et fastueux, l’ambiance très sombre qui y règne est peu oppressante à mon goût.
Heureusement, il en est tout autrement à l’intérieur du restaurant cantonais. Profitant d’une monumentale baie vitrée courant sur toute la longueur, la salle est baignée de lumière. Difficile de définir un style pour la décoration. Les teintes oscillent entre le noir, le marron et le rouge. Les murs d’un luxe ostentatoire tranchent avec un mobilier classique et épuré. Je ne dirais pas que c’est réussi mais l’endroit est cossu et confortable.
La table dressée pour nous est superbe. Subtilement fleurie, elle exhibe une vaisselle délicate et raffinée. Chaque convive est équipé de deux paires de baguettes, l’une pour le service et l’autre pour mettre en bouche. La vue est époustouflante mais impossible d’apercevoir le meilleur de la baie de Hong Kong. Seule la côte ouest de l’île est visible et l’on assiste au manège incessant des bateaux en partance pour Lantau Island ou Cheung Chau.
La Carte :
Venus un lundi midi, nous profitons de la carte de la semaine proposant une très belle sélection de dim sum et des plats. Le weekend, au déjeuner, la liste des dim sum est plus étoffée alors que le soir les dim sum disparaissent au profit d’un plus large choix de plats. Impossible de vous énumérer l’ensemble des propositions de la carte. Il y a 40 dim sum différents et près de 100 plats le soir (Je n’ose imaginer l’équipe nécessaire pour réaliser autant de plats d’un aussi haut niveau). Le Chef se glorifie de nombreux plats signature comme le Porc ibérique laqué au Miel, le Canard mariné au sel de mer et à l’osmanthus, le Riz gluant aux ormeaux et shiitake enveloppé dans une feuille de lotus ou encore le Nid d’hirondelles braisé, jambon Jin Hua, oignons de printemps et oeufs de crabe. Honnêtement, faire un choix avec une telle carte est un crève-cœur. J’ai envie de tout commander, tout goûter. Les tarifs affichés freinent forcément un peu mon enthousiasme mais il y a de quoi se faire plaisir sans trop casser sa tirelire. Je note que tout l’éventail des produits gastronomiques de luxe de la cuisine cantonaise est travaillé. Il y a un bel équilibre entre les recettes authentiques et des créations originales où la truffe, le bœuf Wagyu, le foie gras et le caviar trouvent par moment leurs places. Autre point positif, le Chef utilise par petites touches quelques beaux produits du terroir chinois comme le Jambon Jin Hua (le Pata Negra chinois), le vin de Hua Diao (Huangjiu 黄酒) ou les nouilles E-Fu (Yi Mein 伊麵).
Le Repas :
Quelques Noix caramélisées au miel et au sésame sont servies pour patienter avant l’arrivée des premiers dim sum. Très bon.
Cette assiette de Poitrine de Porc rôti croustillant est comme un bijou. La peau croustillante s’apparente à s’y méprendre à une parure d’or. Je n’avais jamais vu un tel travail d’orfèvre sur cette spécialité cantonaise plutôt rustique. Pour le coté palace, le porc est ici en provenance de la péninsule ibérique. À la dégustation, la promesse est mille fois tenue. Le jeu de textures propre à ce plat et à la cuisine cantonaise est parfait et l’équilibre entre le gras et la viande est idéal.
On reste sur le porc avec ces Rouleaux de riz au porc ibérique laqué. Même dans mes rêves les plus fous, je n’aurais imaginé une crêpe de riz aussi fine. Presque translucide, on devine la gourmandise du porc laqué à l’intérieur. Moelleux, gras et goûtu, il fond littéralement en bouche. La préparation de la viande n’est certes pas académique mais l’ensemble fonctionne très bien.
On enchaîne avec des Dumplings Crevettes, asperges et truffe noire. L’association est audacieuse mais la truffe reste discrète. Même si la consistance de la pâte peut susciter quelques reproches, la farce est parfumée et aérée. On aime.
Plus typique, la Soupe au Dumpling de Ventre de poisson se révèle succulente. Comme souvent dans les soupes cantonaises, il y a un gros travail sur le bouillon de poulet. Il est puissant, très peu gras et légèrement sirupeux.
Sans excentricité, les Dumplings de riz gluant frits au poulet et crevette est à la hauteur. La technique de ce dim sum est très bien maîtrisée et la farce est généreuse. Je l’ai tellement aimé que j’en ai réclamé une tournée supplémentaire !
L’impression est la même sur les Brioches de Porc laqué et amandes effilées. Une technique impeccable et des goûts nets et équilibrés. La sensation en bouche est inoubliable. Du croustillant avec la fine croûte externe, du moelleux avec la brioche, du sucré dans la sauce, du salé dans la viande. La magie caractéristique des dim sum cantonais brille au bout de mes baguettes.
Quand on goûte à ce genre de mets, on se demande pourquoi il faudrait chercher à revisiter ces classiques alors que les recettes traditionnelles sont déjà extraordinairement modernes. Jeux de textures, de températures, tout ce qui obsède nos cuisiniers français semble déjà couler de source pour les cuisiniers chinois.
Cette Tartelette d’Ormeau et Canard rôti est depuis longtemps l’un des plats signature du grand Chef Chan Yan Tak au restaurant triplement étoilé Lung King Heen. Le mettre à la carte était donc un pari osé pour le tout jeune challenger Tin Lung Heen. Contrairement aux apparences ce dim sum est très digeste. L’ormeau et la pâte sont d’un fondant incomparable tandis que le jus de canard amène une belle complexité aromatique à chaque bouchée.
La version du Lung King Heen joue davantage avec le coté gélatineux de la préparation au canard rôti, une propriété pas toujours plaisante pour les palais occidentaux. On sent qu’ici le Chef Paul Lau Ping Lui a souhaité alléger la recette pour la rendre accessible au plus grand nombre. On retrouve d’ailleurs cette marque de fabrique dans d’autres dim sum comme le porc croustillant ou les rouleaux de riz faisant du Tin Lung Heen une adresse beaucoup plus recommandable pour les néophytes de la gastronomie cantonaise.
Ce mémorable déjeuner ne saurait être parfait sans quelques douceurs sucrées. Irrésistibles Dumplings frits au sésame et crème de jaune d’oeuf, honorables Tartelettes aux œufs et caramel et onctueuse Crème de jaune d’oeuf, lait doublement bouilli, sucre brun et nid d’hirondelles font ainsi partie des réjouissances.
On termine sur une note romantique avec cet adorable Cœur en gelée de Potiron et Baies de goji. Fraîche et à peine sucrée, cette mignardise est une excellente idée que je tenterai chez moi.
Bilan :
Faut il y aller ? Qu’on se le dise, le Tin Lung Heen 天龍軒 propose une cuisine cantonaise de haut niveau. Depuis son ouverture, l’équipe en cuisine n’a cessé de progresser et d’améliorer sa technique sur tous les plats de sa carte. Certains dim sum font l’objet d’un travail d’orfèvre inédit. D’autres sont plus conventionnels mais la maîtrise est toujours au rendez-vous. Même si cette excellence a un prix, je pense que le jeu en vaut la chandelle.
Avec qui ? Prenez quelques amis, vos parents et partagez une belle table pour découvrir les nombreuses merveilles que le Tin Lung Heen a à offrir.
Y retourner ? Sans hésitation. Un dîner le soir à plusieurs serait également une bonne idée mais il faut que je trouve des amis au portefeuille bien garni avant.
La clientèle ? Des hommes d’affaires, des banquiers de l’immeuble et une bonne part de touristes chinois continentaux séjournant à l’hôtel.
C’est cher ? Nous avons mangé copieusement à trois pour 70 € par personne au déjeuner et sans vin. Il est possible de faire un peu moins cher en restant sur des dim sum plus classiques mais il est surtout très facile de faire beaucoup plus cher quand on attaque les plats à base de produits de luxe comme le concombre de mer, le homard ou le poisson. Tablez à mon avis sur un minimum de 150 € par personne au dîner. Par conséquent, oui c’est cher mais avouez que le ticket d’entrée reste abordable pour de la cuisine d’exception dans un cadre si agréable. Notez enfin qu’on est ici près de 2 à 3 fois moins cher qu’un Shang Palace à Paris alors que le niveau n’a strictement rien à voir…
Et les toilettes ? Outrageusement luxueux. Couloir vitré orné de grands crus et personnel dans les toilettes pour vous tendre la serviette. Gênant mais So HK…
Informations :
Tin Lung Heen Ritz-Carlton
International Commerce Centre Level 102
1 Austin Road West, Kowloon, Hong Kong
MTR : Kowloon
Tél. : +852 2263 2263
www.ritzcarlton.com
Retrouvez le Tin Lung Heen sur la Carte de mes Adresses à Hong Kong.
Superbe. Je n’ai jamais eu la chance de goûter à de la cuisine chinoise véritablement haut de gamme. J’étais curieux de voir le prix et, effectivement, il faut avoir les reins solides. Ça reste néanmoins abordable si ça tourne autour des 100 €. Plus haut, on commence à flirter avec les prix des étoilés Michelin. Est-ce que la qualité te paraît comparable?
C’est compliqué de comparer deux styles de cuisine et de restaurant. Tout est tellement différent. L’organisation de la brigade en cuisine est différente, la structure de la carte est différente, les produits, l’organisation du repas, la manière de manger (à l’assiette chez nous et à partager dans la cuisine chinoise), l’importance donnée aux desserts, les boissons (même si l’on veut à tout prix imposer le vin en Chine, le thé reste l’association naturelle avec ce genre de plats). Là où c’est comparable c’est sur la technique nécessaire, le souci de l’origine des produits, l’excellence de la présentation et du service, etc. Sur ces points, un restaurant cantonais de ce genre n’a rien à envier à de grands étoilés français. On est sur la même démarche.
Après je trouve qu’il y a deux logiques différentes quand on entre dans la haute gastronomie dans ces deux cuisines. Sur la cuisine française, les chefs recherchent surtout l’originalité des associations et des cuissons. Les chefs chinois, eux, sont plus dans une recherche de la technique et de l’équilibre parfait en s’appuyant sur une cuisine de base à mon sens beaucoup plus diversifiée et évoluée que la cuisine française. J’avais vu un documentaire une fois qui illustrait bien cette idée. Il se passait au Four Seasons de Hong Kong et comparait les démarches des deux chefs triplement étoilés, le Chef Chan Yan Tak d’un coté et le Chef Vincent Thierry de l’autre.
En tout cas si on parle de plaisir pur ou de surprise, j’en ai personnellement autant à manger dans un restaurant cantonais de ce genre que dans un double étoilés français 🙂
Merci beaucoup pour cette réponse très complète. Si l’occasion se présente, je tente le coup.
Whaou, magnifique photo, ça donne envie !
Merci Marie et Bienvenue 🙂
Il est 14h43 et j’ai très très faim, véritable torture en lisant cet article…
Très envie de prendre un billet pour HK dans l’heure, je penserai à toi qd j’aurai l’occasion de faire un trip à HK juste pour manger!
Ah tu n’as pas choisi l’article le moins appétissant faut dire 😉
J’espère bien que tu penseras à moi ! J’espère même que tu me demanderas quelques adresses avant de partir 😉
Joyeuses Fêtes.
Je vais faire mieux : télécharger l’appli legastronomeparisien avec géolocalisation…Rassures moi, ça existe hein? 😉